Kondo
Portail vers l’immortalité…
Au Japon, plus que dans diverses autres cultures, la ligne séparant l’art de l’artisanat Kögei ou de la tradition, sinue le long d’une frontière floue. L’artisanat se voyant souvent imposé des règles telles, que s’en extraire relève de l’art.
L’estampe Ukiyo-e, l’Urushi-e ou autre technique du Laque, les arts du textile, la préparation du Fugu, la calligraphie et le Sumi-e, le Shakkei ou le Miegakure des sublimes jardins, l’Irezumi, la céramique et même, pourquoi pas, le Manga.
Kondo Audio Note Japon tient de cette distinction subtile où la révélation des trésors expressifs enfouis est un long cheminement possiblement infini.
Tel un portraitiste minutieux, l’art de Kondo consiste à s’effacer devant celui des musiciens sans rien en dissimuler.
A bien y réfléchir, telle attitude relève fondamentalement de la tradition.
Les créations Kondo Audio Note Japon brassent la plénitude humaine, honorant les métissages musicaux composés d’antilogies où raison et passion s’accordent enfin, nous élevant vers l’astre de la contemplation, de la transcendance. Dès lors que la vérité se manifeste, nul besoin de faconde justificative ou d’expertises approfondies : la vérité vibre d’une résonnance précise que même le témoin le plus distrait perçoit distinctement. Telle une musique dont la partition s’éloignerait durant quelques pages de la tonalité initiale, habituant l’auditeur à une atmosphère doucement dissonante, avant de rétablir - au grand soulagement d’icelui - le mode de départ, la vérité est unique ! Et plus évidemment immédiatement perceptible à l’oreille de ceux qui l’ont longuement cherchée.
https://www.lebeauson.fr/a-l-oreille/258-kondo-g70-melius-portail-vers-l-immortalite
Pour ces mêmes raisons, certains ne comprendront pas Kondo, cherchant un peu plus de ceci de cela, un peu moins de ceci de cela, des retouches oiseuses dénaturant une toile de Maître, que ce soit par déformation résultant des petits arrangements du haut-de-gamme Hifi avec la vérité ou par orgueil.
Kondo renvoie l’auditeur à l’humilité. Celle du spectateur et ses qualia assis à une place privilégiée d’un concert perpétuel. En effet, si de nombreux appareils prestigieux délivrent l’intégralité du discours musical ou une parfaite lisibilité de la partition, seul Kondo en respecte la ponctuation ; si certains beaux systèmes vénèrent la beauté de la musique, seul Kondo en dévoile sans fard l’intensité humaine, le cœur palpitant dans le noyau de chaque note, phonème, labiale, souffle ou impact.
Dès lors, Kondo n’a besoin d’aucune autre justification que l’écoute pour légitimer le prix de ses réalisations.
Comprenez, nonobstant, que chaque étape de la fabrication est assurée par un spécialiste dévoué à une seule tâche dans la somptueuse formalisation d’un agencement d’argent ou cuivre purs, soudure argent point par point, composants maison ou à minima sur mesure pour la plupart, patiemment conçus, fabriqués, testés et éprouvés en interne, par un assemblage micromètré…
Kondo restera par conséquent une modeste manufacture dirigée par des passionnés plutôt qu'une entreprise lucrative. Ce qui peut sembler un paradoxe au regard des prix vertigineux. Toutefois, le régime draconien de qualité imposé à ses propres techniciens et sous-traitants est si élevé que la production ne peut être accélérée ni les coûts réduits.
Pourrait-on de nos jours entamer la longue trajectoire d’un projet comparable à Kondo ? Probablement pas.
La pérennité intègre des paramètres divers dont les rares exemples où la tradition ne connait pas son équivalent dans le rêve de la nouveauté. Kondo en est la preuve sans jamais la revendiquer publiquement, préférant la pudeur de l’excellence aux projecteurs de l’extravagance.
"Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour
être embrassé d'un seul coup d’œil dans un endroit illuminé,
mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur
diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de
telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux
constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances
inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand
il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du
luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps
à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie.
N' étaient les objets de laque dans l'espace
ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent
chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit
que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup
sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces
filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes
stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre
là, puis puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant
sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à
la poudre ď'or."
Junichirô Tanizaki, "Éloge de l'ombre"